Consultation publique : 36 loups à abattre en 2016-2017 ?

Exprimez-vous sur le projet d’arrêté qui prévoit l’abattage de 36 loups de juillet 2016 à juin 2017 !

Le projet d’arrêté est disponible sur le site du ministère de l’environnement. Chacun peut répondre à la consultation publique jusqu’au 22 juin, en envoyant un message sur le site du ministère.

Vous pouvez vous inspirer de la réponse envoyée par la SFEPM, ci-dessous, de celle envoyée par Ferus et de celle envoyée par l’ASPAS (qui font partie des associations co-fondatrices de CAP Loup).

Merci à tous !

 

Réponse de la SFEPM à la consultation publique relative au projet d’arrêté ministériel « fixant le nombre maximum de spécimens de loups (Canis lupus) dont la destruction pourra être autorisée pour la période 2016-2017 »

Contexte :

Le Loup (Canis lupus) est une espèce : présente en France avec un effectif estimé à environ 300 individus, soit moins de 3% de son effectif historique ; présente sur moins de 1% de son aire de répartition originelle dans le pays ; inscrite dans la catégorie « vulnérable » sur la liste rouge des mammifères menacés au niveau national ; classée « protégée » en France ; classée « strictement protégée » en Europe par la Directive Habitats Faune Flore (annexes 2 et 4) et par la Convention de Berne (annexe 2) : ces textes prévoient le maintien de la population dans un état de conservation favorable au niveau national, interdisent la mise en place d’une régulation de cette population et n’autorisent la destruction d’individus qu’à titre dérogatoire exceptionnel lorsque toute les autres solutions ont été tentées pour l’éviter.

Deux arrêtés ministériels du 30/06/15 encadrent les tirs de Loups en France. Le premier définit les modalités de ces tirs (différenciant notamment : les « tirs de prélèvement » pouvant être réalisés par des chasseurs hors du contexte de la prédation sur le bétail ; les « tirs de défense » devant être réalisés près du bétail) ; le second arrêté fixe à 36 le « plafond » ou nombre maximal de Loups pouvant être abattus pour l’année 2015-2016. Depuis le début de cette période (en juillet 2015), au moins 43 Loups ont été tués par l’Homme, dont 35 décomptés du plafond car tués avec une preuve d’intention (33 abattus légalement, 2 braconnés) et 8 non décomptés (principalement des collision routières) ; enfin, 2 autres ont été trouvés mots sans cause humaine identifiée. Un autre projet est cours, prévoyant l’abattage avant juillet 2016 de 6 Loups supplémentaires au delà du « plafond » 2015-2016 (3 arrêtés successifs autorisant le tir de 2 loups chacun).

Le présent projet d’arrêté fixe à 36 le nombre de Loups pouvant être abattus pour la période allant du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017, dont un nombre maximal de 27 avant fin septembre 2016 ; le projet prévoit que le maximum de 36 pourra « être révisé en fonction des données disponibles décrivant la situation biologique du loup sur le territoire national à l’issue de l’hiver 2015-2016 ».

La SFEPM est défavorable à ce projet d’arrêté qui met en péril le bon état de conservation du Loup en France et va à l’encontre de la cohabitation entre la faune sauvage et les activités humaines.

En particulier, la SFEPM est défavorable à ce projet pour les raisons suivantes :

– Le nombre de Loups pouvant être abattus n’est pas argumenté

Le nombre de 36 Loups pouvant être abattus pour l’année 2016-2017 est donné sans justification. L’ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage) indique en mai 2016 au Groupe National Loup une « impossibilité actuellement de prendre en compte l’influence des tirs légaux 2015 » sur l’évolution de la population. Dans ce contexte de manque de connaissance, il n’est pas responsable de fixer un nombre aussi élevé d’abattages correspondant à environ 15% de la population.

– Ce projet est contraire aux engagements européens de la France

La Convention de Berne et la Directive Habitats-Faune-Flore, signées par la France, n’autorisent les dérogations de destruction que dans la mesure où elles garantissent le maintien des populations dans un état de conservation favorable. Tel n’est pas le cas du projet d’arrêté qui, au mieux freine fortement la croissance naturelle de la population, au pire entraîne son déclin, alors que l’espèce n’est pas dans un bon état de conservation.

La faiblesse de l’aire de répartition actuelle au niveau national montre que le bon état de conservation est encore loin d’être atteint. La recolonisation des Loups en dehors de l’arc alpin est très lente : après 25 ans de présence, il a fallu attendre 2013 pour que s’établisse un premier couple reproducteur hors du sud-est du pays (dans les Vosges) – le seul connu à ce jour. L’espèce ne parvient toujours pas à se reproduire dans les Pyrénées et le Massif Central, pourtant fréquentés depuis plus de quinze ans par de rares individus en provenance du Sud-Est. Jusqu’en 2014, la croissance de la population française de Loups était en moyenne de 19%, un taux peu élevé au regard des capacités connues de l’espèce dans un contexte de recolonisation. Par exemple, la population de Loups en Allemagne a pu atteindre des effectifs comparables à ceux de la France, mais deux fois plus rapidement. Les effectifs de Loups sont 5 à 7 fois plus élevés en Espagne ou en Italie qu’en France.

Le projet d’arrêté est en contradiction avec la Convention de Berne et la Directive Habitats-Faune-Flore pour une deuxième raison : ces deux textes prévoient que les dérogations à l’interdiction de détruire des loups ne peuvent être accordées qu’à titre exceptionnel et en dernier recours, après que toutes les autres solutions aient été mises en œuvre pour l’éviter. Or le projet d’arrêté envisage la destruction de 36 loups sans garantir que les solutions alternatives soient recherchées pour la protection du bétail.

– Ce projet est contre-productif sur le plan agricole

932 arrêtés préfectoraux de « tirs de défense » (« renforcés » ou non) ont été publiés depuis juillet 2015. Les « tirs de défense » et les « tirs de prélèvement » ont été mis en œuvre en 2015-2016 avec une intensité qui n’avait jamais été aussi forte jusqu’alors, mais ceci n’a pas permis de faire baisser la prédation sur le bétail.

La quasi totalité des éleveurs en zone de présence de Loups bénéficie d’une autorisation de tirs, qu’ils peuvent réaliser eux-mêmes ou confier à des chasseurs. Si l’idée de ces tirs effectués à proximité des troupeaux domestiques peut paraître séduisante pour empêcher la prédation sur le bétail, force est de constater qu’elle ne constitue pas une réponse efficace, puisque ces tirs n’empêchent pas la prédation de continuer. Ceci s’explique par la façon dont les tirs sont définis dans l’arrêté ministériel du 30/06/15, et par la façon dont ils sont accordés par les préfets : les « tirs de défense » peuvent être autorisés pour des éleveurs qui ne protègent pas ou pas suffisamment leurs troupeaux. Dans ce contexte précis, les autorisations de tirs délivrées massivement et systématiquement participent à exempter les éleveurs de leur responsabilité de protection de leur bétail. Ceci conduit à la persistance de la prédation, et par conséquent à la montée des tensions sociales liées au désarroi de la corporation ovine qui éprouve des difficultés à remettre en cause ses pratiques.

Plutôt que d’encourager la destruction des Loups, des mesures pourraient être prises en faveur de la cohabitation avec l’élevage : conditionner les aides financières à la protection effective des troupeaux (actuellement, les éleveurs sont subventionnés et indemnisés systématiquement) ; vérifier sur le terrain la mise en œuvre des mesures de protection (actuellement, la comptabilisation des protections théoriquement mises en place est basée sur les déclarations des éleveurs) ; accompagner techniquement les éleveurs (actuellement, les subventions pour la protection ne sont pas liés à un suivi adapté) ; évaluer la pertinence des moyens de protection (actuellement, les chiens et les clôtures subventionnées ne sont pas toujours adaptés) ; développer la recherche de méthodes nouvelles si nécessaire.